Lundi 4 septembre 1944
- Nous sommes rappelés aux dures réalités de notre nouvelle existence, sitôt les portes ouvertes. Les SS nous éjectent hors du wagon, en hurlant et en frappant aux jambes. Ils nous poussent devant eux à grand renfort de matraques; nous n’allons pas assez vite avec les genoux bloqués par cette longue immobilisation, pour éviter les coups. Un rigolo s’exclame: c’est pire qu’à Gravelotte!
C’est ainsi que nous découvrons la gare portant le nom de Dachau. Traversant la ville en une longue colonne, nous voyons peu de monde, à part quelques bandes de gamins en uniforme, probablement des jeunesses hitlériennes, qui nous insultent et lancent des pierres. Une telle animosité en plus du reste, ne nous dit rien qui vaille au moment d’aborder le camp dont le portail est orné d’une maxime inattendue « Arbeit macht frei ».
Parqués sur un vaste emplacement, en fait la place d’appel, nous recevons un simple morceau de pain et un nouveau matricule. » Serge LAMPIN (*)
Georges BELIN recevra le matricule 100 376
« Dirigés en fin d’après-midi vers les douches, nous avons droit à une courte aspersion. Trop nombreux, il faudra en sortir avant d’être seulement rincés. Nous passerons ensuite en file indienne devant un rayé, qui badigeonne aisselles et parties génitales, avec un gros pinceau plongé dans un seau. Il s’agit paraît-il d’un mélange d’eau et de phénol, une forte proportion de phénol, car le feu nous saisit au bas ventre et nous fait danser sur place. L’air goguenard des SS montre que sous prétexte de la désinfection, cela s’appelle ainsi, ils s’emploient à nous humilier par tous les moyens.
Cet intermède terminé, une nouvelle tenue tout humide nous échoit avec une chemise usagée, nous grelottons dans la nuit qui est tombée. Nous nous mettons en route vers l’intérieur du camp, par une large allée bordée de peupliers, sorte de rue principale encadrée par les baraques de chaque côté.
Nous parvenons face aux blocks 19 et 21… Ce sont des châlits moins hauts que ceux du Struthof et ici, nous devons nous mettre trois par paillasse. On se tiendra peut-être plus chaud, mais dans la position tête-bêche, le repos sera aléatoire.
Commence alors une période d’une huitaine de jours, dite de quarantaine, que nous passerons à tourner en rond du matin au soir le long du block, dans l’attente d’une maigre soupe et d’un bout de pain… » (*) Serge LAMPIN
C’est à Dachau que les 79 hommes « raflés » à Pexonne vont êtres séparés: 9 d’entres-eux vont rester au KL Dachau:
Marie Gontran de VITRY d’AVAUCOURT, Paul DUMOUTIER, Eugène LE GAL, Camille STRICHER, Aloïse TRAXEL, André THIAVILLE resteront ensemble. Pierre GIOVENI sera affecté au kommando d’Ottobrun et André PASSALAQUA sera envoyé au kommando de Landsberg, d’où ils réchapperont . L’abbé BESOIN rejoindra le block réservé aux ecclésiastiques, à la demande du pape , qui a obtenu des autorités allemandes le regroupement sur un même site de l’ensemble des prêtes incarcérés. Lui aussi survivra.
Les autres repartent vers d’autres univers concentrationnaires. Sur quels critères?
Georges CHAILLY sera dirigé vers Neuengamme avec René CHANAL.
Les 62 restant seront acheminés vers le KL Mauthausen le 14 septembre 1944.
(*) Serge LAMPIN: arrivé le 4 septembre 44 il quittera Dachau le 11 septembre pour le kommando d’Ottobrunn, avant d’être déporté à Dautmergen, d’où il réchappera.
Avertissement : le contenu de ce blog relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive du rédacteur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu’elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner le nom du blog, l’auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l’auteur en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France.
`
Laisser un commentaire